lundi 3 février 2025

On a retrouvé l'ancêtre du RSA !

Pour les novices ou ceux que la mesure n'a absolument jamais concerné de près ni de loin, le Revenu de solidarité active, anciennement Revenu minimum d'insertion (RMI), est une contribution sociale octroyée aux individus ou aux couples ne disposant d'aucun revenu du travail ou si peu qu'il leur serait impossible de disposer d'un toit et d'un repas par jour sans recourir à des moyens illégaux ou à la mendicité (j'entends le coryphée conservateur crier dans la fosse ou à se sortir les doigts du fion et trouver un travail: lisez donc, ô coryphée, la phrase qui suit, car le joueb ne limite pas ses contributions à cinquante mots ni à trente secondes d'attention).

Il est apparu dans le cadre de l'État Providence post-guerre mondiale et dans un contexte de chômage structurel lui-même conditionné par la désindustrialisation néolibérale massive des années 1970-80. Il s'agit donc d'une mesure de police qui prend la forme d'une aumône publique à même de juguler le vagabondage et la mendicité dans l'espace public, le recours à des moyens illégaux de survie et une surpopulation carcérale déjà bien carabinée depuis la fermeture du bagne de Cayenne. Nonobstant, les mutations postérieures du marché et les exigences du capital n'ont cessé depuis lors de faire pression afin d'en durcir les conditions d'attribution, en attendant d'obtenir sa suppression pure et simple et l'allègement consécutif des charges sociales qui en est escompté. Auquel il faut ajouter l'avantage non négligeable que constituera la mise à disposition d'une armée de réserve de travailleurs et travailleuses non qualifiés et corvéables à merci, dont un renforcement parallèle des moyens humains et technologiques de la répression permettra de gérer les débordements.

Après cette introduction de rigueur, venons-en au fait : qui serait donc l'auguste aïeul du RSA ?

Il était une fois la perle des Antilles, fleuron du commerce triangulaire français, grande usine à sucre, indigo et café, j'ai nommé : Saint-Domingue. Un jour de 1793, un étrange vent chargé de murmures séditieux souffle dans ses calanques et sur ses monts chauffés à blanc. Les esclaves qui forment les quatre cinquièmes de sa population se soulèvent contre leurs maîtres. Une guerre éclate, sanglante et destructrice, qui voit les colons abandonner à leur corps défendant ce bout d'île qui faisait leur fortune. Au bout de dix années, l'empereur de France fait rappeler ses troupes et les jacobins noirs proclament l'indépendance d'Haïti.

Quelques années auparavant, au plus fort des combats et tandis que les familles de colons désertaient la place, le gouvernement de Thermidor décide d'octroyer une contribution mensuelle aux nouveaux émigrés ayant laissé derrière eux tout leur patrimoine. Laissons la parole à l'historien Jean-François Brière

Le dédommagement des anciens colons passa avant tout par l’indemnité payée par Haïti, mais aussi par une voie moins bien connue et qui fut à la charge, cette fois-ci, de l’État français : il s’agit des secours financiers aux anciens colons de Saint-Domingue se trouvant en situation d’indigence temporaire ou permanente en France. Ce système d’aide publique très ciblé débuta en 1793 et fut réglementé par la loi du 28 germinal an VI (17 avril 1799). Seuls pouvaient en bénéficier les anciens colons propriétaires fonciers à Saint-Domingue avant 1791 et leur conjoint. Pouvaient les recevoir également leurs enfants nés, en quelque lieu que ce soit, d’un mariage contracté avant le 20 juin 1793 (date de l’incendie du Cap français qui avait déclenché la première grande vague d’émigration des colons). Le budget annuel alloué à ces aides culmina aux alentours d’un million de francs dans les années 1820, avec environ 5 000 bénéficiaires qui n’avaient souvent jamais mis les pieds à Saint-Domingue. Ces chiffres diminuèrent par la suite, mais lentement – ils étaient encore 672 bénéficiaires en 1876 –, puisque les enfants des colons étaient qualifiés pour recevoir ces secours jusqu’à leur mort. Un Comité des colons notables établi en 1804 décidait de l’éligibilité des requérants qui devaient présenter un certificat d’indigence signé par le maire de leur commune. Ce système souffrit d’abus fréquents, certains bénéficiaires étant nés d’un mariage postérieur à 1793 ou bien ayant des ressources qui auraient dû les disqualifier. L’aide de l’État français aux anciens colons de Saint-Domingue fut attribuée jusqu’au décès des deux dernières bénéficiaires en 1911. Il serait donc tout à fait inexact de penser que ces anciens colons n’ont reçu de compensation à la perte de leurs biens que de la part d’Haïti. Pendant plus d’un siècle, l’État français leur a tendu un « filet de sécurité » destiné à protéger les plus vulnérables d’entre eux. En novembre 1835, l’amiral Duperré, ministre de la Marine, notait que ces aides sont « au nombre des dettes les plus sacrées auxquelles l’État ait à pourvoir». Elles traduisaient la volonté des élites de Métropole de prévenir la destitution financière et sociale des membres de leur propre classe, victimes de ce qu’elles percevaient comme une injuste spoliation.

Mais messire, qu'est-ce donc que cela ? Ni plus ni moins que le grand-papa du RSA. Un jeu des 7 différences permet de mieux comprendre l'actuel subside dont le capitalisme français, héritier direct du commerce triangulaire et de l'exploitation coloniale, souhaite la disparition. Je vous laisse, ô lectrices, ô lecteurs, ô coryphée, le loisir d'y jouer.

Source: Brière, Jean-François. « Abolition de l’esclavage (1793‑1794) et indemnité : le cas d’Haïti ». Travail servile et dynamiques économiques XVIe‑XXe siècle, édité par Anne Conchon et al., Institut de la gestion publique et du développement économique, 2024, https://doi.org/10.4000/12n9a.

samedi 1 février 2025

Longueur d'ondes

Ci-joint un extrait de la performance La choupe aux sous donnée dans le cadre de Longueur d'onde 2025, festival de radio et d'écoute consacré aux peaux de castes et à la bourgeoisie éclairée. A cette occasion, Brest se peuple d'activistes cultivés et de quelques stars discrètes venus guetter la prochaine sensation radiophonique. Iels en ont eu pour leur compte avec le récital de la petite compagnie Douce France, un moment de poésie à couper le souffle -il valait mieux en effet- qui a su exprimer de manière élégante l'essence de la séquence historique en cours.

jeudi 30 janvier 2025

Les deux font la paire


























Dépareillées
En promotion 
Inespérée
La révélation :
Il y aurait des pieds
41 à gauche, 39 à droite
Il y aurait des types
Trop forts pour les stats
Qui prendraient leurs pieds
Parce qu'on est leur type

Animal à 2 têtes 
Forfait d'imbéciles 
Naïves baskets
Plonger tel Achille 
Dans l'enfer aux alouettes
Héros si peu communs
Cherchant leur aiguillette
Dans un grand magasin 

Ce monde fou est bancal
Il vend l'invendable
Ses pointures inégales
Le miracle et la fable


vendredi 24 janvier 2025

Patrimoine & patrimoine

jeudi 23 janvier 2025

Notes pour le prochain grand roman historique de science-fiction s'intitulant : "Turbo-rabot" (titre provisoire)

(Extrait des notes de travail de Pierre Guillaume)

Le budget qui s'annonce, avec ses coupes historiques, amorce la sacro-sainte rigueur en coupant dans les services publics. Les libéraux à la sauce française sont des crétins doublés de masochistes. Crétins parcequ'ils ne savent pas que la dette est inhérente au fonctionnement de la stupide machine, et masochistes parcequ'ils s'auto-infligent une rigueur façon Grèce 2008. Oh les beaux jours qui se préparent.

Budget "SerafinPH Lampion" (SerafinPH pour le nom céleste choisi pour désigner dans le médicosocial l'équivalent d'une tarification à l'acte ; Lampion pour vessies/lanternes du libéralisme)

A la lecture de choses sur la Restauration et le règne de Louis Philippe, je remarque deux choses assez classiques :

   1/ l'extrême centre a toujours gagné le jeu diplomatique français (merci Thiers notamment, mais aussi la grande banque)

et

   2/ la rigueur budgétaire slim fast s'est imposée comme leitmotiv dès la première restauration.

En fait nos élites nous jouent le même cinéma depuis 200 ans. Cette confiscation faisait déjà partie de la courte histoire de la Révolution.

Prudence néanmoins sur les parallèles historiques. Car la rigueur de la 1ere Restauration (Louis XVIIIe Vs Napoléon), imposée par l'Europe des cours, dit : on arrête la guerre et on favorise la stabilité pour "le doux commerce". Les services publics n'existent pas vraiment sous l'Ancien Régime. Hui, les crédits militaires augmentent de manière fulgurante -ou au moins sont maintenus quand tout le reste baisse-, les services publics décroissent, les nantis se préservent.

Et sous Louis Philippe, la fermeture des ateliers nationaux -sorte de service public- provoque la révolte de schlagues conscientisés, organisés et sans écrans pour les abrutir. Le bloc bourgeois débutait alors en maintien de la tension sociale par division de la classe, boucs émissaires, nudge, pains et jeux etc. O tempora O mores.

C'était un autre monde, autrement plus rude aussi. On peut tenter toutefois de repérer des schèmes : à partir de la Révolution les bases du jeu ont été jetées (après comme pour tout jeu de plateau, il y a des extensions), et chaque séquence révol-reform où division et confusion règnent parmi les protagonistes, le verrouillage modéré-conservateur s'impose pour longtemps, avec un consensus globalement beaucoup plus solide.

Et il est fort possible comme on l'a déjà évoqué que le paradigme Etat-providence avec services publics mastodontes soit une sorte d'hapax historique reposant sur la dynamique démographique productiviste des 30 dites Glorieuses. La pompe à finances cherche à reprivatiser l'ensemble des activités pour préserver ses taux de croissance et pour que les banquiers protègent leur asymptote.

Le problème c'est que tant qu'on continue à aller sur internet, tripatouiller des terminaux informatiques de bureau ou de poche, faire nos courses et conduire des voitures, il est strictement impossible de changer quoique ce soit et il faut accepter la domination du blocbour*.

(*Note du traducteur : *bloc bourgeois")

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"Le terme SERAFIN-PH, est l'acronyme de : « Services et Établissements : Réforme pour une Adéquation des FINancements au parcours des Personnes Handicapées »"

"Selon une tribune publiée dans le journal spécialisé ASH, cette réforme pourrait également entraîner une dérégulation du secteur médico-social, du fait de la mise en concurrence par l’arrivée d’opérateurs privés."

https://fr.wikipedia.org/wiki/SERAFIN-PH

"Pour rassurer les entreprises, Eric Lombard a également promis mercredi dans Les Echos qu’il n’était plus question de relever le taux de 30 % de la flat tax sur les revenus du capital, « ni aujourd’hui ni demain » : « Nous avons besoin des dividendes qui rémunèrent ceux qui prennent des risques. »"

Le Monde, 23 janvier 2025

" La lame du rabot avance donc au gré des articles soumis au vote des sénateurs. « On découvre des amendements quelques heures avant, qui viennent sabrer l’ensemble des missions, sans qu’il y ait de concertation, de discussion, et sans aucune ligne politique », s’est agacé en séance le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard. Ainsi la varlope a-t-elle réduit de 535 millions d’euros les crédits destinés à la mission France 2030, avant de retirer 780 millions d’euros à l’aide publique au développement, déjà fortement amputée par Michel Barnier, 89 millions au budget de la jeunesse, 34 millions aux sports, 50 millions à la culture, 52 millions à l’enseignement scolaire… Le budget de la défense, lui, a été épargné."

Le Monde, 20 janvier 2025

dimanche 19 janvier 2025

Un genre musical : le dungeon synth

  1. Le dungeon synth est un sous-genre du black métal : entendre, une niche musicale très-obscure d'où l'humour est proscrit.
  2. Sa grammaire est simple : il s'agit de créer des ambiances sombres, voire désespérées, quoique mystérieuses, à l'aide de synthétiseurs.
  3. Quelques lycéens rémois l'avaient dit il y a cent ans de cela : la vie est un jeu, et si la vie du black métalleux avait une bande originale, ce pourrait être le dungeon synth.
  4. Le dungeon synth existe plus ou moins depuis que le black métal existe. On peut l'entendre par exemple chez Abruptum, groupe fondateur du genre, par moments ou sur la fin.
  5. Le dungeon synth fait en quelque sorte partie de l'essence du black métal, il en est une possibilité intime. Elle affleure dans certaines circonstances privilégiées : lorsque le black métalleux se trouve irrémédiablement seul, incapable par là même de faire partie d'un groupe de black métal. Les black métalleux souffrant de phobie sociale aiguë ont tendance à se tourner vers le dungeon synth. Également les misanthropes les plus extrêmes d'un genre où la misanthropie est une sorte de prérequis formel. On peut aussi mentionner les black métalleux de droit commun enfermés dans des geôles suisses ou scandinaves, où les synthés sont permis.
  6. Quelque part le black métalleux qui correspond le mieux aux tendances profondes de la sensibilité black métal (post-romantique, noire, puérile, non réflexive, acritique, ruminative et foncièrement hostile à son prochain) n'est autre que celui qui pratique le dungeon synth, dans la mesure où le black métal en groupe semble le fait de gens bien intégrés et assez sociables de surcroît pour tolérer de passer plus d'un quart d'heure avec des congénères, par conséquent dotés de capacités de dissimulation, d'intégration, de mimétisme et de résilience qui en font plutôt des rockeurs que des black métalleux à proprement parler.
  7. Mais au fond, dans un domaine de sous-culture de masse tel que le black métal, comme dans n'importe quel autre domaine, il est inutile et ridicule de donner des brevets de pureté. N'importe qui, s'il le peut, si elle le veut, peut se lancer dans la réalisation d'un EP, d'un LP, ou d'une simple chanson de dungeon synth. La vie est un jeu, et chacun a tout loisir d'en composer la bande originale à son goût. Dont acte:

jeudi 2 janvier 2025

Mal à

2024 fut année de crimes
De pertes et de fracas
Malgré ce qui les grime
Les bottes prennent le pas
Le mal est chose robuste 
Et certains de penser 
Que tout ce que l'on déguste 
S'effacerait d'un trait























Les publicitaires sont devenus des rois
Quand Michel Ange devint spéciale gomme
Reste à nous emplir d'une profonde joie
Ruser en insolents et malicieux gnomes 
Barbouillant ces sombres desseins de nos couleurs
De noirs poèmes, ces anciennes réclames 
Espérer, même si c'est avoir mal ou peur
Mine de plomb, résister au retour de l'infâme

mercredi 18 décembre 2024

Si tu veux la paix, prépare le cochonnet

Trois pères de boules (Trois pères de boules, de centre-gauche à centre-droite: René Char, Jean Beaufret, Martin Heidegger)

On ne saurait trop promouvoir la pratique des boules, trésor provençal et français, vertueux trait d'union entre ennemis de clocher. Si le petit pâtre de la Forêt-Noire avait vécu à Céreste en 1943, nul doute que le Capitaine Alexandre l'eût tué de ses propres mains. Mais après le sang, vient la réconciliation. Et après la réconciliation...

vendredi 13 décembre 2024

Jeux vocaux d'extrême-centre de la France

Je me permets de partager le fruit d'une collecte qui a été faite dans le canton de Bourg, dans l'extrême-centre de la France, zone où le fascisme pousse à l'état naturel, absolument intouché par les bouleversements politiques que le pays traverse par ailleurs.

test1premierministre
test2premierministre

jeudi 12 décembre 2024

Dans le journal ce matin

Le Monde, France, le jeudi 12 décembre 2024

"... mais ce mercredi 11 décembre, aucun des sénateurs macronistes conviés à déjeuner dans le salon des portraits de l’Elysée n’ose aborder le sujet devant le président de la République. Quand, soudain, finissant sa tranche de veau, Emmanuel Macron évoque, de lui-même, le futur « premier ministre », dit-il. « Le ou la ? », tente, devant lui, l’élu de Côte-d’Or (Renaissance) François Patriat en quête d’un maigre indice sur le profil du prochain chef du gouvernement. « Le ou la, tu as raison, François, le premier ministre ou la première ministre », corrige le chef de l’Etat, reprenant le fil de sa phrase en laissant l’assistance dans un épais brouillard."

Mais, mais ! Nous ne rêvons pas ; voilà bien un style, pompeusement élégant et génialement français, reconnaissable entre mille. Au plagiat ! Voleurs de Monde ! Cette prose de scribouillard ("Scri-bou-illard...") est outrageusement copiée sur la grande fresque historique du Grand Écrivain ! Pierre Guillaume !

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