Fin du RSA... suite

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Salle d'attente d'une « société de conseil et formation spécialisée en ressources humaines ». Au mur, un poster de motivation. « Pas trop d'idées sur le métier qui vous conviendrait... » puis une longue liste d'activités possibles vers lesquelles l'organisme peut vous accompagner pour sortir de l'assistanat. Pourtant, il a été décidé de placer devant ces multiples perspectives d'avenir un distributeur de produits agro-alimentaires comme un rocher éboulé bloque la sortie d'un tunnel. Las, la liste n'était sûrement qu'ornementale ! Ce magnifique hiéroglyphe en 3D ne tient-il pas de l'acte manqué ? Si le bénéficiaire de minimum social ou le chômeur de longue durée, gagne-pain de ladite société par le biais du PDI, n'a "pas trop d'idées", l'organisme où il est obligé de se rendre pour justifier d'une recherche active n'en a pas plus ! Mais au moins il propose de patienter en mastiquant des produits à forte teneur en gras et sucre...

Commentaires

1. Le mercredi 19 avril 2017, 19:45 par poezi23

fabuleux comme on n'a qu'à tendre l'oreille, l’œil et le majeur pour saisir toute la poésie de notre époque bénie !

2. Le jeudi 20 avril 2017, 18:09 par Robert Walser

J'ai fait un rêve triste et sans joie, la nuit passée. Je m'en suis bien éveillé six fois, mais toujours, comme si j'avais dû sans cesse être de nouveau mis à l'épreuve, je retombais sous l'empire de sombres imaginations, sous la coupe du rêve de fièvre. Je rêvais que je me trouvais dans une sorte d'asile ou d'institution, dans un lieu d'isolement, dans une exclusion verrouillée et contre nature, régie par des règlements extrêmement froids et extrêmement singuliers. J'étais en proie à la détresse, et un frisson glacé se coulait dans mon âme épouvantée et remplie d'angoisse qui aspirait en vain à trouver un peu de compréhension. Tout m'était incompréhensible, mais le plus atroce était qu'ils ne faisaient que rire du désarroi et de l'abandon où ils me voyaient plongé. Je me tournais de tous côtés en lançant des regards implorants dans l'espoir de croiser un regard amical, mais je ne rencontrais que dérision ouverte et sans pitié qui me toisait des yeux. Tous ceux qui étaient là me jaugeaient de si étrange manière, de si énigmatique manière. Mon angoisse devant l'ordre qui régnait alentour et dont la nature m'emplissait d'effroi s'accroissait de minute en minute, et avec elle s'accroissait l'incapacité que je manifestais à m'adapter à ces circonstances bizarres, insolites. Je me souviens avec précision de la façon dont je disais sur un ton suppliant et désespéré, tantôt à tel employé, tantôt à tel autre, que je ne comprenais absolument rien à « tout cela » -c'est ainsi que je m'exprimais, le cœur serré à l'extrême- et que l'on ferait mieux de me laisser aller dans le vaste monde afin que j'y retrouve mon courage et mon esprit natif. Mais au lieu de me répondre, ils haussaient seulement les épaules, couraient dans tous les sens, jouaient les hommes débordés, me donnaient à entendre qu'ils n'avaient pas le temps de s'occuper plus attentivement de moi et de mes malheurs et me laissaient en plan au beau milieu de mon inexprimable, effroyable consternation. Visiblement, je ne leur convenais pas, mais pas du tout. Pourquoi donc étais-je arrivé chez eux, dans cet enfermement étroit et glacé ? Je cherchais mon chemin à tâtons à travers d'innombrables pièces et cabinets ; je chancelais de ci, de là comme un perdu. J'avais l'impression d'être sur le point de me noyer dans une mer d'étrangeté. Amitié, amour et chaleur s'étaient métamorphosés en haine, trahison et perfidie, et la sympathie semblait morte depuis mille ans ou exilée à des distances infinies. Je n'osais émettre de plainte. Je n'avais confiance en aucun, aucun de ces hommes incompréhensibles. Chacun avait son occupation rigoureuse, étroite, bornée, strictement mesurée, et leur regard hébété ne plongeait au-delà d'elle que dans une sorte de vide illimité. Sans pitié envers eux-mêmes, ils ignoraient aussi la pitié envers les autres. Morts comme ils étaient, ils ne pouvaient imaginer dans leurs prévisions que des morts. Finalement, je m'éveillais de toute cette désespérance. Ô, quelle joie j'éprouvai en voyant que ce n'était qu'un rêve !

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