Trois petits patrons de livres
Par tcrxt le lundi 13 juin 2016, 07:00 - Revue de presse - Lien permanent
Mise en bouche
Le décès de Maurice Sinet (Siné) le remémore : gribouilleurs, chroniqueurs, metteur en mots, fournisseur de matière à imprimer, ne vont pas loin sans le génie, la fibre, la débrouille, du patron de presse. C’est ainsi. Georget Bernier (Professeur Choron) a su galvaniser, proposer une vision, une forme, recruter, haranguer, mais aussi payer des factures, trouver du blé, soudoyer les imprimeurs, arnaquer la TVA, gérer des gros sous, même quand il n’y en avait pas.
La presse aujourd‘hui en France est subventionnée à fond les ballons, achetée par les magnats et l’état non pour garantir son indépendance, mais sa docilité, et avoir un fort pouvoir sur « l’opinion public ». C’est dans un réservoir de confiance que les banquiers investissent pour mieux placer les produits de leurs copains. Pour s‘extirper de cette grande tromperie, il faut éditer à côté, mordre la terre, crever, et connaître (rarement) de quoi payer les pâtes des années après, à l’image de Ferraille magazine des Requins Marteaux, ou de Lapin, de L’Association, qui ont vecu dans des conditions chaotiques, mais sont devenu par la suite la matrice d’une partie des bédés d’aujourd’hui. Expérimentations.
Des expérimentations, en voilà trois.
AAARG!
Aaarg, l’histoire de AAARG! est belle et douloureuse. Un magazine audacieux, plusieurs formules, de beaux livres à tout va (une trentaine en 3 ans !), un grand apetit et encore plus de talent. Et puis quelques coups de pas de chance, une crainte de ne pouvoir rémunérer les auteurs, et voilà que la pause à durée indeterminée survient.
C’est raconté dans un très long et beau billet sur leur site, mais ce billet ne dit rien des merveilles qu’ils ont fait découvrir au rédacteur de ce billet. Juste un? Allez, Glory Owl.
Les Aventures de Teddy Riner
Une belle prise de risque des éditions Dargaud, même si, comme le déclare Thibault Lanxade du Medef, « la prise de risque en France n'est plus considérée ». Dargaud s’en moque et joue le tout pour le tout avec cette audacieuse adaptation du plus sympathique des judoka.
Mystères asiatiques, sympathiques personnages (des deux sexes !) et humour sont au rendez-vous de cette prometeuse série qui nous fera bien vite oublier que « la fiscalité devient tellement forte que l'État devient presque actionnaire de toutes les entreprises ! », et que « quant au chef d'entreprise, il devient quasiment un salarié. » (idib).
Le vilain petit canard
Est-ce pour enfant, pour adolescent, pour adulte, pour activiste, un peu tout ça ? Je ne sais pas qui le sait, mais le vilain petit canard didactise, tente, expérimente, improvise, et c’est un plaisir rare.
Un peu de mythologie, un peu d’actualité, des blagues et un contenu aéré, mais aussi une longue pause joliement présentée sur leur blogue pour réfléchir, trouver des sous, prendre des vacances pour le temps. Mais les voilà de retour, foncez vous abonner !
Deux mots de conclusion
Non pas que j’en veuille à Dargaud, hein, même si bon les éditeurs-ministres, je m’en méfie, mais pour souligner qu’éditer des crobards, ça coute un fric monstre, et ça ne rapporte rien. Houra à tous ceux qui se mettent la tête dans les chiffres, payent les dessinateurs et auteurs pour qu’ils puissent penser et divaguer pour nous, pauvres travailleurs. Mais merde aux patrons de presse et aux maisons d’éditions en même temps : quelle est le seuil à partir duquel elles puent ? Il faudrait peut-être inventer l’échelle Val pour le savoir. En tout cas, j’avais listé d’autres journaux libres dans ce billet : faîtes-en bon usage !
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