(Hippie étant un terme extérieur aux mouvements de jeunesse de la fin des années 60 que pourtant certains jeunes partie prenante de ces mouvements se sont appliqués à eux-mêmes)
Et pourquoi aujourd'hui ?
Regardons le premier couplet :
We were so close, there was no room
We bled inside each others wounds
We all had caught the same disease
And we all sang the songs of peace
Cet hymne/hommage composé par la chanteuse Melanie (qui se qualifiait de hippie) au public du festival de Woodstock se voulait le portrait d'une génération voire la vision idéale de l'humanité (un truc hippie, justement), à savoir une masse dépourvue des chambres tant arpentées lors des phases de confinement où tout le monde est si serré au mépris bien hippie des distances de sécurité que chacun saigne dans les plaies de l'autre au grand dam des autorités sanitaires pour chanter sans masque bien évidemment les chansons de la paix du plus bel hippie dans la joie d'avoir la même maladie en commun.
S'il y a bien une hypothèse d'humanité absolument impossible actuellement, c'est celle-ci.
Melanie la hippie nous offre le moyen de décrire notre époque présente d'une formule, c'est l'exact opposé de Woodstock.
Les oeuvres de Catherine Salmeron étaient présentes dans le hall de la mairie de Banyuls-sur-mer ce mois d'août. Cette artiste peintre professionnelle depuis 1977, diplômée des Beaux-Arts de Reims et de renommée mondiale est considérée comme hyperréaliste en nature morte et trompe-l'oeil.
Antagoniste de l'utopique en artifice vivant et alerte-l'oeil, Catherine Salmeron n'en a pas révélé pour autant dans cette ambiance balnéaire émolliente une vérité d'une violence inouïe. En effet, comme de précédentes enquêtes l'avaient démontré, le carton est la matière présente sous l'apparence des choses, la seule et invariable vérité dès que nous grattons un peu le vernis, si j'ose dire en l'occurrence.
Ici justement, le vernis est transparent et ne tente même plus de cacher ce carton dont notre réalité tangible est faite à perte de vue. Au contraire, il magnifie celui qui, chez Catherine Salmeron mais très bientôt à travers toute la production artistique transdisciplinaire mondiale contemporaine, devient l'unique sujet puisque, au fond, tout est carton. Et en surface aussi.
Cela remonte au temps où ces logos étaient partout: on pouvait les « cliquer » et accéder essentiellement au même contenu, mais sous une forme vaguement interactive. Expliquer l’usage du côté des utilisateurs de tout ça nécessiterait trop de travail, mais du côté desdits logos, le bénéfice était net: ils avaient ainsi accès à toutes sortes d’informations sur le gogo qui cliquait, et, contre la promesse de la participation à un tirage au sort, ou contre une renommée momentanée, on pouvait tranquillement accéder au porte-feuille du gogo.
DONC L’idée est d’« appeler à la générosité » un très grand nombre de personnes (tous les employés de l’Université d’Augusta ont été sollicités, dans les 5000 personnes, et je ne parle que d’un hôpital égaré dans une grande liste, ici, voir plus bas) sont priés de cliquer un peu partout pour « voter » pour « leur » hôpital, et « ses » enfants.
Là où la chose est réellement fantastique, c’est
Qu’il s’agit en réalité d’une compétition. L’impressionnante liste des hôpitaux (http://voteformiracles.org/hospitals.php) le rappelle: les hôpitaux ici ont besoin de thunes, la logique de mise en compétition est d’autant plus savoureuse qu’il s’agit de « soigner les enfants ». « Les enfants du Shodair Children's Hospital dans le Montana peuvent bien crever, ici, dans le Rhode Island, on est tous derrière les enfants du Hasbro Children's Hospital.» Seuls les 5 hôpitaux qui collectaient le plus de « votes » gagnait de l’argent : de 50.000$ à 5.000$, En sachant qu’une pancréatectomie semble coûter dans les 50.000$, on mesure l’impact incroyable de pareille générosité, et le ratio personnes emmerdés / enfants soignés semble friser avec l’infini.
Il s’agit de « voter » pour un « miracle » : confusion superbe, merveilleuse théocratie inversée. Il ne s’agit pas de Dieu qui gouverne, mais du peuple qui demande à Dieu d’intervenir, non pas en fonctions de critères divins, mais humains -- en sachant qu’en l’occurrence, Dieu est un conglomérat de banques.
Que les banques à l’origine de cet initiative sont des « Credit Union », c.-à-d. des banques coopératives, donc plutôt les good guys dans le tableau. Et qu’en plus, c’est effectivement sympa de leur part de files des thunes aux hôpitaux : la plupart des banques, ici, ne s’occupent même pas du vernis d’action charitable, un ou deux sponsoring d’événement sportif, un pub bien placée, et le tour est jouée. Grand merci que tout cela soit du passé, désormais que les soins sont faciles, libres, et les enfants heureux.
Le décès de Maurice Sinet (Siné) le remémore : gribouilleurs, chroniqueurs, metteur en mots, fournisseur de matière à imprimer, ne vont pas loin sans le génie, la fibre, la débrouille, du patron de presse. C’est ainsi. Georget Bernier (Professeur Choron) a su galvaniser, proposer une vision, une forme, recruter, haranguer, mais aussi payer des factures, trouver du blé, soudoyer les imprimeurs, arnaquer la TVA, gérer des gros sous, même quand il n’y en avait pas.
La presse aujourd‘hui en France est subventionnée à fond les ballons, achetée par les magnats et l’état non pour garantir son indépendance, mais sa docilité, et avoir un fort pouvoir sur « l’opinion public ». C’est dans un réservoir de confiance que les banquiers investissent pour mieux placer les produits de leurs copains. Pour s‘extirper de cette grande tromperie, il faut éditer à côté, mordre la terre, crever, et connaître (rarement) de quoi payer les pâtes des années après, à l’image de Ferraille magazine des Requins Marteaux, ou de Lapin, de L’Association, qui ont vecu dans des conditions chaotiques, mais sont devenu par la suite la matrice d’une partie des bédés d’aujourd’hui. Expérimentations.
Des expérimentations, en voilà trois.
AAARG!
Aaarg, l’histoire de AAARG! est belle et douloureuse. Un magazine audacieux, plusieurs formules, de beaux livres à tout va (une trentaine en 3 ans !), un grand apetit et encore plus de talent. Et puis quelques coups de pas de chance, une crainte de ne pouvoir rémunérer les auteurs, et voilà que la pause à durée indeterminée survient.
Une belle prise de risque des éditions Dargaud, même si, comme le déclare Thibault Lanxade du Medef, « la prise de risque en France n'est plus considérée ». Dargaud s’en moque et joue le tout pour le tout avec cette audacieuse adaptation du plus sympathique des judoka.
Mystères asiatiques, sympathiques personnages (des deux sexes !) et humour sont au rendez-vous de cette prometeuse série qui nous fera bien vite oublier que « la fiscalité devient tellement forte que l'État devient presque actionnaire de toutes les entreprises ! », et que « quant au chef d'entreprise, il devient quasiment un salarié. » (idib).
Le vilain petit canard
Est-ce pour enfant, pour adolescent, pour adulte, pour activiste, un peu tout ça ? Je ne sais pas qui le sait, mais le vilain petit canard didactise, tente, expérimente, improvise, et c’est un plaisir rare.
Un peu de mythologie, un peu d’actualité, des blagues et un contenu aéré, mais aussi une longue pause joliement présentée sur leur blogue pour réfléchir, trouver des sous, prendre des vacances pour le temps. Mais les voilà de retour, foncez vous abonner !
Deux mots de conclusion
Non pas que j’en veuille à Dargaud, hein, même si bon les éditeurs-ministres, je m’en méfie, mais pour souligner qu’éditer des crobards, ça coute un fric monstre, et ça ne rapporte rien. Houra à tous ceux qui se mettent la tête dans les chiffres, payent les dessinateurs et auteurs pour qu’ils puissent penser et divaguer pour nous, pauvres travailleurs. Mais merde aux patrons de presse et aux maisons d’éditions en même temps : quelle est le seuil à partir duquel elles puent ? Il faudrait peut-être inventer l’échelle Val pour le savoir. En tout cas, j’avais listé d’autres journaux libres dans ce billet : faîtes-en bon usage !
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