L'entrée dans le pavillon témoin de leur amour donna lieu à d'indescriptibles manifestations sensuelles. Parfois l'architecture dépossède les esprits et déchaine les corps.
Il la cherchait, elle n'était pourtant pas loin (dans l'angle à gauche) ; les enquêtes des détectives privés ligériens se soldèrent toutes par de cuisants échecs. L'amour s'enfuit. Lui, plein de fougue et de vindicte : "Certains osaient les dire "correct", ces barbares scientifiques !"
... c'était dans un salon de beauté qu'ils s'étaient rencontrés. Elle coupait les ongles, lui les ramassait, comme d'autres mouillent leur pain dans les vespasiennes. C'était son plaisir, sa madeleine de Prust.
Elle fréquentait le magasin, lui l'autre magasin. Ils s'étaient frôlés depuis tant de temps... Quelle ne fut pas leur joie mutuelle quand ils purent comparer leurs anatomies après avoir comparés leurs tickets de caisse ! La marchandise permet aussi parfois le miracle de l'amour.
"Le spectacle répugnant de certaines complicités n'aura pas été la moins cruelle de nos épreuves morales", lui fit elle avec tendresse.
Ils pélerinaient au rabais ; leurs moyens modestes, dilapidés déjà dans les courses aux Magasins, ne leur laissaient que ces ersatz, mais ils s'en contentaient. Car l'amour prie aux exvoto les plus modestes, et sait magnifier le discret.
De Nantes à Brest, il parcouraient d'incroyables paysages de beautés surprenantes, ou le grandiose le dispute au sublime. Ils s'aimaient, simplement. En roulant vers un avenir radieux.
La carte de leur amour les égaraient sur le chemin du bonheur. "C'est par ici?" dit elle. "Non, par là." lui répondit il.
Elle attendait. Tout cela lui rappelait la vie d'avant, les guinguettes, les chars d'assaut, les bals de débutantes. Et c'est d'un cœur gonflé de joie, d'une voix tremblantes encore de leur larmes si récentes, qu'ils lancent au ciel, avec ferveur, ce cri de leur amour : "Vive l'amour !"
Ils voyageaient, parcouraient le monde, visitaient des lieux pittoresque. Parfois, ils buvaient des cafés allongés. Les anglais avaient débarqués, à Quintin. Ils leur restait toujours la possibilité de sauter dans le canal. Un ancien du village leur avaient dit, et cela répondit en partie à leur interminables conversations géopolitiques ; "si les anglais arrivent, mords les".
Les marchandises, les fêtes villageoises ; tout cela leur était interdit du fait de son état de santé. Ils buvaient du jus bio, il s'occupait d'elle, elle s'occupait de lui, elle s'occupait d'elle, il s'occupait de lui. Ils s'occupaient d'eux du mieux qu'ils pouvait. Mais la pétanque et le bal leur manquait toujours.
"Terre ingrate !", s'exclama t'il. Elle opina.
Son père désapprouvait fortement leur relation. Sa situation modeste n'était pas à la hauteur de ses espérances. "Il sera pendu demain matin !"
/ Intermède /
Les saisons passèrent, le lait devint beurre, le vin ne sera plus tiré. Et ils y associaient, avec le poignant regret de leur absence, les victimes totales, les martyrs, les fusillés de Bretagne, qui ont fait à la V-Cause le suprême sacrifice et qui n'ont pas eu la joie de voir cette libération pour laquelle ils avaient tout donné.
Il priait, roulait, priait, et roulait encore. Il voulait être champion en Christ, champion en course. Il noyait son chagrin dans les tours de roue et les eucharisties.
Le zodiaque, sur la plage, restait désespérément vide. Il attendait qu'elle se présente pour son enlèvement, mais ne vint pas. Il attendait, contemplait le coucher de soleil, seul, ressentant fort le sentiment solitaire de son infinie solitude. "La lune au moins elle, a les étoiles !" Il en composa de très beaux vers -disponibles franco de port auprès de micr0lab-.
La canicule, les gares, les amis de passage et les bons conseils...
... tout cela le conduit à assumer cette réalité qu'il se cachait depuis tout ce temps :
le train de leur amour était sans arrêt.
"Maintenant, au travail !", se dit il à lui même en son bunker intérieur. "Nous avons bien des larmes à sécher, bien des plaies à panser, bien des ruines à relever."
"La vitesse de transport ne fait que multiplier l'absence, voyager pour oublier, conseillait-on autrefois au neurasthénique, voyager palliait la tentation suicidaire en lui opposant un substitut, la petite mort du départ, l'acquisition de la rapidité du déplacement c'était la disparition dans le sans-lendemain de la fête du voyage et, pour chacun, comme une répétition différée de son dernier jour."
FIN
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