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mercredi 18 mars 2015

Portraits en sincérité?

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Contexte : photographies contractuelles réalisées par le jury d'un Titre Professionnel de Tailleur de Pierre, délivré par le Ministère du Travail.

Commentaire : La réalité vraie des personnes serait rendue visible par le contexte. Portrait sous contrainte : on est rarement photographié, sans nécessité esthétique ni amicale, mais avec la rigueur d'un portrait. Quelle attitude adopter face à un jury intimidant, sinon celle la plus authentique? On est débordé par sa propre personne. Mains dans les poches, pendantes, devant, derrière? Les mains se placent naturellement, par réflexe. Le regard va ou il doit aller. On a pas le temps de poser, ou pas le temps de penser comment poser.

"La photo-portrait est un champ clos de forces. Quatres imaginaires s'y croisent, s'y affrontent, s'y déforment. Devant l'objectif, je suis à la fois : celui que je me crois, celui que je voudrais qu'on me croie, celui que le photographe me croit, et celui dont il se sert pour exhiber son art. Autrement dit, action bizarre : je ne cesse de m'imiter, et c'est pour cela que chaque fois que je me fais (que je me laisse) photographier, je suis immanquablement frôlé par une sensation d'inauthenticité, parfois d'imposture."*1

Ici, celui que je me crois et celui que je voudrais qu'on me croie sont là ; le sentiment d'imposture également ("quelle bizarrerie que cette photo? je n'ai pas envie d'être là, devant mon ouvrage, c'est grotesque.") ; par contre, il n'y a pas ici de croyance du photographe, ni d'exhibition de l'art du photographe. Car il n'y a pas de photographe. Il y a un opérateur, une consigne, un contrat, mais aucun photographe. L'opérateur interchangeable, maladroit, qui déclenche l'appareil n'a aucun "avis" sur la photographie réalisée, il n'y croit pas, il juge lui même cette procédure grotesque. La photo est mal cadrée, floue, cela n'a pas d'importance. Elle prouve le rapport entre l'artisan et son ouvrage. C'est une preuve indiscutable. Le sujet de la photo est : un homme, un caillou, une maçonnerie. L'expression, la pose, l’esthétique n'ont aucun intérêt. On devrait poser comme un robot, pour un simple document, comme une photo d'identité, sans expression, sans affect. Mais le sujet photographié déborde, il doit se positionner devant l'objectif, devant le miroir, il doit le regarder ou l'éviter ; il est comme obligé de se positionner en tant qu'individu-homme, obliger de témoigner de son existence vivante, de son humanité. Il est obligé de jouer le jeu du portrait. La neutralité est impossible.

Cas étrange d'une photographie sans photographe. Le sujet photographié est seul face à lui même.

Une vérité des individus surgirait : untel donnera une impression d'arrogance, untel donnera l'air sûr de lui, untel donnera l'air timidité, untel donnera l'air de douceur, untel donnera l'air gauche, untel donnera l'air dilettante, untel sera surpris, car il est d'un naturel surpris, untel sera confus, car il est d'un naturel confus. Mais est-il réellement, définitivement, doux arrogant sûr de lui timide surpris confus? On peut y croire, mais la vérité de la photo ne pourra pas jamais définir définitivement la vérité elle-même. La photographie laisse perplexe, songeur. La réalité de l'individu reste mystérieuse, malgré l'apport de la photo. La personnalité est impénétrable. "... car ce que la société fait de ma photo, ce qu'elle y lit, je ne le sais pas (de toute façon, il y a tant de lectures d'un même visage) ; mais lorsque je me découvre sur le produit de cette opération, ce que je vois, c'est que je suis devenu Tout-Image, c'est à dire la Mort en personne ; les autres -L'Autre- me déproprient de moi-même, ils font de moi, avec férocité, un objet, ils me tiennent à merci, à disposition, rangé dans un fichier, préparé pour tous les trucages subtils."*2

L'enjeu de prouver que la personne photographiée est celle qui a réalisé l'ouvrage de l'examen, qui sous peu va être scruté, critiqué, noté, attaqué par le jury et défendu par l'impétrant tailleur de pierre, cet enjeu, de manière surprenante et inédite, est dépassé par la révélation photographique, la vérité d'un portrait authentique, donnant le cliché possible d'une personne dans un contexte particulier, éventuellement une piste sur la personnalité du sujet, mais qui n'est rien d'autre qu'un portrait authentique qui pourra être contrarié par d'autres portraits authentiques, plus vrais, moins vrais. La photographie reste un objet de commentaire, d’exégèse, comme on soutien avec toute la certitude du monde qu’un enfant est le PORTRAIT craché de sa mère OU de son père.

  • 1 : Roland Barthes, La chambre claire, pages 29, 30
  • 2 : idem, page 31

samedi 7 mars 2015

La lettre qui informe du courriel anonymisée (mais sans griboulli ni calculs)

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lundi 11 août 2014

Une coccinelle m’informe de l’absence de titre de billet.

Lui — … et donc bien sûr tu te souviens de Jacques ?

Elle — Bien sûr, ce cher Jacques, un vrai optimixte comme on n’en fait plus !

Lui — M… je pense que c’était un peu nautrel, mais ce n’est pas là ce qui me préoccupe. Après sa nirvânalyse, il a été autistifié.

Elle — Ça ne m’étonne guère, il avait cette espère de coolisse. Ce doît être un vrai médesaint qui l’a mis à jour.

Lui — Un toubible ! Il avait senti que tout son entreprise — pour laquelle il vouait une véritable obstinence — était un plutsch. C’est bien simple : il gauchemardait les yeux ouverts.

Elle — Voilà qui ne va pas soigner mon pervertige…

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Image tirée de par là.

Pour une proposition d’interprétation des mots soulignés en rouge flottant, se reporter au numéro 18 (avril 14) de Dézopilant, sur une proposition du Collectif gem la loco, voire même à Matthieu Dibelius. Voilà.

vendredi 21 février 2014

Les voeux vibrants du DIrecteur, par Albert Thiry

Ce vendredi à l'heure du goûter, c'est un Directeur de micr0lab-offshore visiblement fatigué qui est apparu au-dessus des observateurs placés en rang d'oignons. Le visage blême perçant sous un bronzage hésitant, les traits tirés à quatre épingles, un solide roc en guise de glotte, il a présenté "avec trois semaines de vacances de retard (...) les voeux les plus sincères qu'[il ait] en magasin."

Il aura ensuite fallu attendre une bonne heure et demi d'un silence digestif, avant que l'olympique journaliste Eustache ne parvienne à percer le rideau de bambou et d'hommes armés en civil qui avait été disposé autour du Directeur afin d'assurer sa sécurité. Après avoir été maîtrisé par les balles, le Fouille-merdre officiel et déjà regretté du Parti n'a pas failli à sa réputation en articulant un début de question en dépit même de la mort.

__ "Quid du bilan..."__

Le plus simplement du monde, le Directeur se fit alors l'écho sonore de la question, les yeux perdus dans le fond vert qui lui faisait face : "Eh oui, quid du bilan...", suivi d'un flot fiévreux de murmures -inaudibles pour la plupart. Les observateurs, quant à eux, tâchaient de faire turbiner leurs neurones-miroirs, tantôt remuant les lèvres, tantôt imitant les fugaces expressions faciales du Directeur. Ainsi l'on devinait la joie, l'inquiétude, la joie encore, la colère, la faim, l'excitation, les hémorroïdes, les hémorroïdes encore du Directeur.

Ainsi l'on traduisait sans effort aucun son optimisme sans borne, lesté fort heureusement d'un fatalisme jamais feint. Et l'on entrevoyait dans un rictus plein de lumière le futur radieux de micr0lab, dont il n'était pas permis de douter. Un futur où les différences s'égaliseraient toutes, où toutes les guerres seraient gagnées, où les paradis fiscaux s'ouvriraient à tous dans la limite des places disponibles, car "l'argent, l'argent oui, est notre bien le plus précieux".

Dégouttante de sueur, l'image du Directeur s'effaça avec extrême lenteur, nous laissant tous, observateurs comme simples chalands, plonger au fond d'une solitude sans Nom. On en vit pleurer pour moins que ça.

Nous sommes tous les actionnaires de micr0lab. Nous sommes tous les exploités de micr0lab.

Longue vie à micr0lab !